Y aller ou pas : une alternative

labyrinth.jpgChose promise, chose due.

En France, si vous voulez facturer des clients et que vous hésitez à vous mettre à votre compte, il existe une solution intermédiaire : le portage salarial.

Il s’agit d’un système qui flirte avec les limites de la légalité, mais qui a de nombreux adeptes.

Vous choisissez une société de portage, vous allez les voir et vous signez un contrat à durée déterminée (CDD) en tant que “consultant” salarié de la société. Ils ne sont pas très regardants ou difficiles, car ils ne risquent pas grand-chose à vous “embaucher”.

Voici comment ça marche :

  • La société de portage ne vous aide pas à trouver des clients. C’est entièrement votre problème.
  • Vous ne facturez pas vos clients. Vos clients paient la société de portage. Toute l’astuce est là.
  • Vous recevez un salaire fixe symbolique et minuscule (obligatoire pour rester dans la légalité) et un salaire variable, qui correspond à ce que vous/la société de portage facturez à vos clients.
  • Vous payez vos charges salariales sur votre chiffre d’affaires (CA) brut, ce qui est bien normal.
  • Par contre, vous payez également toutes les charges patronales sur votre CA brut.
  • Et pour le service rendu (l’édition d’une fiche de paie et de vos factures), la société de portage ponctionne entre 10 et 15% de votre CA brut (le pourcentage diminue plus votre CA augmente).

Exemple : vous gagnez 100€. Là dessus, la société de portage retire les charges salariales et patronales et si elle vous prend 12% de votre CA (c’était mon cas), vous empochez 48€ nets (avant impôts sur le revenu bien entendu).

À titre de comparaison, en tant qu’indépendant, mon expert comptable me dit que l’on paie environ 40% de charges sur son revenu imposable (qui est bien inférieur au CA brut, parce qu’il y a des abattements et que vous pouvez déduire des tas de trucs de vos revenus, dont certaines charges, ce qui donne des calculs diaboliquement compliqués qui se mordent la queue dans tous les sens et c’est bien pour ça que je paie un expert comptable).

Mais je m’égare.

Pour faire simple, admettons que vous ne payez que 12% de plus qui si vous étiez indépendant.

Après-tout, pourquoi pas ? Ce n’est pas forcément un mauvais calcul, surtout quand vous débutez et n’avez pas encore un CA très régulier.

Autre avantage potentiellement précieux : en tant que salarié, vous avez des fiches de paie, même si le montant peut varier du tout au tout d’un mois à l’autre. Sachez toutefois qu’à Paris en tout cas, les Assedic sont au parfum et malgré le fait que vous payez les cotisations de chômage comme tout “salarié”, cela ne vous donne aucun droit. Vous ne recevrez pas un sou des Assedic si vous vous retrouvez de fait sans emploi.

À titre personnel, cette expérience m’a déplu pour plusieurs raisons :

  • Déjà, c’est compliqué d’expliquer à vos clients que vous êtes “indépendant”, mais que vous facturez par le biais d’une société de portage. Il faut trouver le bon discours pour ne pas les effrayer, ni vous déconsidérer à leurs yeux.
  • C’est très difficile de comprendre comment ça marche dans les détails. Vous posez des questions simples et pratiques et la société de portage vous répond en langage codé. J’en suis venu à la conclusion que les (vrais) employés de ces sociétés sont formés à soigneusement policer leur langage et ne pas utiliser certains termes ni donner certaines réponses qui pourraient les mettre en délicatesse avec la justice, dès fois que vous seriez un inspecteur du travail.
  • La paperasserie est assez monstrueuse. “Contrats d’intervention” à faire signer par vos clients pour chaque job, formulaires à envoyer à la société de portage pour qu’ils lancent la facturation de vos clients, formulaires de reporting auprès de la société de portage à la fin de chaque mois, CDD à signer tous les x mois, etc.
  • Il ne vaut mieux pas avoir à gérer des cas particuliers, comme des clients à l’étranger ou qui souhaitent recevoir les factures par fax ou par email. Une fois sur deux, la boîte de portage ne suit pas.
  • Enfin, psychologiquement, c’est dur de facturer 4000€ et de recevoir un salaire de 1900€ (quand vous êtes indépendant, vous empochez les 4000€ et vous passez à la caisse plus tard).

Bref (si j’ose dire), si vous avez eu le courage de lire jusqu’ici et si vous comparez la longueur de ce billet à celle de mon billet sur comment devenir indépendant, vous constaterez que contrairement à ce qu’on aurait pu croire, le défaut principal du portage salarial, c’est d’être bien plus compliqué et chronophage que l’alternative !

Car il faut bien ajouter le temps passé et le stress occasionné au débit de cette solution. Je suis paradoxalement bien plus productif et serein depuis que je me suis mis à mon compte.

Partagez vos expériences et votre point de vue sur les sociétés de portage salarial.

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11 commentaires sur “Y aller ou pas : une alternative”

  1. Romain VINCENT
    18 décembre 2007 à 17:31

    Bonjour,
    je constate que le portage salarial c’est pas forcément la joie mais bon…
    On m’a dit qu’on ne pouvait pas figurer dans les pages jaunes en tant que “porté”, est-ce vrai?
    Merci d’avance pour les lanternes !

  2. télétravailleur 2.0
    18 décembre 2007 à 17:49

    Bonjour et merci pour le commentaire et la question. Beaucoup de gens ont recours au portage, donc ça doit leur convenir. J’ai exposé ce qui me semblait être la face potentiellement sombre de la chose.

    Je n’ai jamais pensé à m’inscrire aux pages jaunes. Cela étant dit, dès lors qu’il faudrait disposer d’un numéro de SIRET ou équivalent pour figurer dans les pages jaunes (être une entreprise ou un indépendant dûment inscrit auprès des autorités compétentes), les “portés” seraient effectivement exclus, en tant que simples salariés.

    Cependant, ce n’est pas forcément un handicap de nos jours, où une présence sur le Web (petit site ou inscription sur un portail spécialisé) et Google sont au moins aussi efficaces dans bien des situations.

  3. POUPON Pascal
    7 janvier 2008 à 14:08

    Merci beaucoup pour la simplicité de l’explication et l’humour employé. Je me sens tout à coup plus serein pour m’engager dans cette aventure qui me fait tourner en bourrique depuis quelques temps.
    Par contre comment géres tu ton salaire et globalement est ce que tu y trouve un avantage financier par rapport au portage, à la fin de l’année?
    Merci encore

  4. télétravailleur 2.0
    7 janvier 2008 à 14:24

    You’re welcome :-)

    Concernant le salaire. J’ai un statut d’indépendant (profession libérale) et les règles sont sans doute différentes pour une société (demander à son expert comptable ;-). J’ai ouvert un compte bancaire professionnel (obligatoire). Tous les mois, je transfère une somme vers mon compte perso pour couvrir mes mes besoins (loyer, edf, gdf, nourriture, etc.) La somme que je vire peut varier. Il n’y a pas d’obligation puisqu’au final, je déclare des impôts en tant que particulier.

    Concernant la rentabilité, oui, j’y trouve un avantage par rapport au portage. Déjà, je ne paie pas la commission de 12% à la société de portage. Je ne paie pas autant de charges. Je peux déduire mes frais professionnels (y compris une partie de mon loyer, électricité, téléphone, Internet), je peux récupérer la TVA sur certains achats professionnels, etc.

    La seule dépense que je n’avais pas en tant que “porté”, c’est ce que je paie à l’expert comptable (mais que je peux déduire comme frais professionnel)…

  5. Thomas
    27 février 2008 à 12:04

    Bonjour

    Il y a une petite chose qui me confusionne un peu, ce sont les charges _salariales_ que l’on paye dans le cas du portage. Ces charges, si on est indépendant, on ne les paye pas, si ? ou alors elles sont incluses dans les charges d’une profession libérale ?

    Merci pour l’éclaircissement !

  6. télétravailleur 2.0
    27 février 2008 à 12:26

    Lorsqu’on est salarié l’employé et l’employeur paient chacun des charges.

    Lorsqu’on est en portage, on paie les charges salariales ET patronales.

    Je ne suis pas un spécialiste (j’ai un comptable pour ça), mais en tant que travailleur indépendant (profession libérale / entreprise individuelle), je paie :

    - Allocations familiales, CSG et CRDS (+ assurance formation) à l’URSSAF
    - Cotisation d’assurance maladie à RSI (régime social des indépendants)
    - Assurance vieillesse à une caisse (CIPAV)

    Vous allez me demander combien ça représente.

    Je crois que ça représente environ 30% du CA (CAF = 5,4% - CSG/CRDS = 8% - RSI = 6,5% - CIPAV = 8,6%…) mais ne me prenez pas au mot. C’est plus compliqué que ça, car certains taux varient en fonction du CA, tandis que certaines charges sont déductibles (une partie de la CSG par exemple) mais pas d’autres.

    Merci pour la question.

  7. télétravail 2.0 » De bonnes factures
    8 juin 2008 à 08:36

    […] le portage salarial, j’espère que mon billet sur la question répond aux interrogations de ces […]

  8. Davy Alain
    3 novembre 2008 à 22:11

    cc, comme beaucoup de monde je ne sais pas où me jeté, portage, indépendant, urssaf, mda..;lol, Bref, si je m’inscrit à la MDA, je disposerai d’un numéro de SIRET donc je serai un indépendant, je sors juste de formation, je n’ai pas le droit aux assedic mais je suis inscrit au rmi, donc je suis couvert au niveau santé si je m’inscrit comme indépendant (MDA ou urssaf, tjrs pas pigé) Suis-je encore couvert? la conjoncture actuel étant catastrophique, g assez peur d’1, de ne pas avoir de clients, de 2, de n’être plus couvert au niveau santé, puisqu’il faut cotiser pour etre couvert, de 3 payer des cotisations sans etre sûr de trouver des clients, de 4, de perdre ma seule source de revenus actuel, le RMi; Compliqué tout ça… merci de m’aider un petit peu lol;)

  9. télétravailleur 2.0
    4 novembre 2008 à 08:08

    @Alain Beaucoup de questions, pas de réponses toutes faites.
    - MDA, URSAFF ? Ca dépend de l’activité exercée.
    - Poules et oeufs (clients / charges / couverture / RMI etc…) fait des recherches, va voir un Expert Comptable, la MDA, l’URSSAF, la chambre de commerce… Beaucoup de gens passent par la case société de portage jusqu’à ce qu’ils aient une clientèle et une activité à peu près stable avant de sauter le pas… A voir les implications pour le RMI (j’en sais rien…)

    Bon courage…

  10. FCorneloup
    28 mars 2009 à 17:25

    Bonjour,

    Je suis ravie d’avoir lu votre article qui me conforte dans mon idée que le portage salarial a pour première expression d’être coûteux et complexe. Les simulations proposées par différentes structures proposent toutes un résultat de 50% de la somme ponctionnée. De plus, je me suis perdue dans les pages de plusieurs sites, ce qui confirme la complexité voulue de ce système.
    Je commence juste à regarder ce monde, car je souhaite développer un service de transcription à Dakar en tant que Française.
    L’éventail est des plus disparate: entre un statut de consultant à 30 euros (vrai) et une entreprise personnelle à plus de 1000. Je me perds dans tout ça.
    C’est la première fois que je lis votre site et j’apprécie vraiment, vraiment le relief de votre analyse.
    Merci pour cet éclairage et le temps que vous consacrez à partager votre expérience.
    De mon côté, je continue à chercher.

    Meilleurs sentiments,

    FC

  11. télétravailleur 2.0
    28 mars 2009 à 17:47

    @FCorneloup

    Merci pour votre message. Je crois que si je me lançais aujourd’hui, j’opterai pour le statut d’auto-entrepreneur. Même si le plafond de CA est relativement bas (33K), l’inscription est facile, ça permettrait de tester le terrain, et de ne payer des charges, en temps réel, que sur le travail effectué. Voir ici : http://teletravail2.0.free.fr/?p=63

    Cordialement,

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