Archives : sociologique

 
 

Bombes atomiques

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1/ Je dois reconnaître à Frédéric Lefebvre et à l’UMP une certaine capacité d’imagination.

En effet, ils ont trouvé un moyen inédit de dégoûter les citoyens du télétravail.

Lefebvre va défendre un amendement qui préconise que les employés en arrêt maladie ou en congé de maternité puissent continuer à (télé)travailler. Il suffisait d’y penser (mais encore faut-il qu’on ne leur ai pas coupé leur accès à Internet…).

2/ J’avoue que j’avais du mal à comprendre l’hostilité de certains envers le statut d’auto-entrepreneur (pas une panacée, mais bon…). Et hier, je suis tombé sur ce billet sur le site de Marianne, qui parle d’imposture. L’article propose un lien vers un autre article, qui qualifie le statut de bombe atomique, argumentaire détaillé à l’appui.

Faites-vous votre propre avis, et n’hésitez pas à partager vos impressions ici.

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C’est la grève

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Et personnellement, je suis de tout coeur avec les grévistes.

Facile à dire, puisqu’en tant que télétravailleur, je ne subis pas les inconvénients de la grève (ni d’un rail cassé sur le RER parisien, comme hier).

Si vous en avez marre de galérer les jours de grève, si vous en avez marre de l’angoisse de vous mettre votre patron à dos à cause des retards dans les transports, ne vous en prenez pas aux grévistes (en tout cas pour cette grève-ci).

Profitez-en au contraire pour aborder la question du télétravail avec votre boss. Plus votre boîte est affectée/perturbée par la grève, plus il devrait être réceptif, pour peu que vous lui présentiez un argumentaire axé sur la rentabilité, la diminution des heures perdues, bref, sur l’économique.

Si vous préférez encore la galère à l’idée de télétravailler, je ne sais pas ce que vous faites ici.

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Un espoir ?

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Les enfants sont souvent moins cons que les adultes.

L’autre jour, mon fils m’a demandé un coup de main pour ses devoirs. Il avait une équation à résoudre. Je suis malheureusement nul en maths, mais j’ai quand même été invité dans son antre.

Son ordi était ouvert sur son bureau, à côté de son bouquin de maths. J’ai lu le cours dans le manuel et lui ai suggéré des pistes.

Et là, j’ai vu quelque chose d’extraordinaire (pour un vieux crouton comme moi). Le fiston a eu un déclic, puis il a commencé à dialoguer avec ses copains de classe par messagerie instantanée.

Et ensemble, par chat, ils ont résolu la fameuse équation.

Ils ne se sont pas juste filé le résultat. Ensemble, ils ont décomposé tout le raisonnement.

Rien de plus naturel.

Dans un premier temps, je me suis dit que j’aurais bien aimé pouvoir en faire autant lorsque j’étais lycéen (salauds de jeunes !).

Et puis dans un deuxième temps, ça m’a frappé.

Les jeunes d’aujourd’hui télétravaillent comme ils respirent !

Ils seront donc peut-être moins réticents que leurs aînés, lorsqu’ils seront devenus grands.

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Enfin seul ?

cubicles.jpg Dans un commentaire par ailleurs élogieux, Bruno Moriset me demande à juste titre : “comment est-ce que tu gères la solitude au boulot” ?.

Bruno est géographe et à écrit un article exhaustif, fascinant et savant sur le télétravail : Télétravail, travail nomade : le territoire et les territorialités face aux nouvelles flexibilités spatio-temporelles du travail et de la production, disponible sur le site cybergéo, par ailleurs très beau et à l’ergonomie particulièrement soignée.

Bonne question, que je souhaitais justement aborder.

En tant que géographe, je comprends que Bruno porte un regard suspect sur les grands discours sur l’abolition par le cyberespace des distances et de la géographie. Il s’attaque aux mythes qui sous-tendent une certaine vision utopique et idéalisée du télétravail.

Il est indiscutable que malgré tous les beaux discours sur le télétravail, y compris sur ce site, se pose la question de la dimension sociale/humaine du travail qui est fortement remise en cause lorsque l’on travail tout seul chez soi.

Dans son commentaire, Bruno continue :

Moi, après 2 journées de boulot solo dans mon appart (même avec femme et enfants), je deviens chèvre, et j’aime bien une journée au bureau, un peu de tchatche et une bouffe avec certains collègues, etc. Et je crois que pour bcp de gens, c’est pareil. D’où le bide global du télétravail.

Je pense qu’il a raison. Mais comme je l’évoquais ailleurs, je pense que cette objection fondamentale au télétravail révèle une forme d’aliénation. On ne pourrait se réaliser qu’au travail, sous le regard (admiratif ou jaloux) des autres.

Oui, les bonnes bouffes et les discussions autour de la machine à café peuvent constituer le sel de nos journées au bureau. Oui, les gros 4×4 ou les grosses berlines de luxe sont sans doute amusants ou plaisants à conduire. Je veux bien le croire, mais est-ce bien utile, est-ce bien nécessaire et est-ce bien responsable en ces temps menacés par le réchauffement climatique ?

En attendant, je ne peux parler que pour moi. Je parlerai une autre fois des solutions à ce problème pour les télétravailleurs salariés (télécentres, etc.)

Je me rends bien compte que pour beaucoup des gens, mieux vaut une vie sociale au bureau, même lorsqu’elle est source de tension et de stress terrible, que de se retrouver seul avec soi-même.

Et puisque le télétravail reste marginal et qu’il s’agit généralement d’un choix personnel, cette question est tout à fait fondamentale lorsque l’on songe à franchir le pas.

J’ai connu des conditions de travail en entreprise très plaisantes et gratifiantes, avec des collèges que j’appréciais. J’ai connu l’inverse aussi. Des ambiances de merde (comme on dit), des collègues que je n’appréciais pas, que je ne respectais pas, une culture d’entreprise détestable, basée sur la suspicion, le cynisme, la rivalité et le stress comme méthode de management, etc.

Un jour, alors que j’avais quitté mon dernier job en entreprise depuis quelque temps, mon frère m’a confié que lorsque j’y étais encore, j’étais “devenu chiant” car je ne parlais plus que de mes problèmes de boulot. Je suis certain qu’il ne faisait pas allusion à des discours sur mon boulot en lui-même (comment résoudre tel ou tel problème technique inhérent à mon travail) mais bien à des lamentations incessantes sur les problèmes de politique interne, de rivalité de personnes, d’organisation, de luttes de pouvoir.

Il est indiscutable qu’en tant que télétravailleur indépendant, je me coupe des bonnes bouffes et des bonnes blagues (?) au quotidien. Mais de mon point de vue, c’est un très petit prix à payer pour échapper enfin à toutes ces tensions et luttes intestines qui me pourrissaient littéralement l’existence.

Et en vérité, les moments de solitude de nature angoissante sont rares. Lorsque je suis immergé dans mon travail, ma solitude de fait est des plus appréciables. Pas d’interruptions intempestives, une concentration totale qui me permet d’en faire plus en moins de temps.

Par ailleurs, au quotidien, je n’ai pas le sentiment d’être seul. J’ai un réseau de clients, de collègues et d’ex-collègues, (sans parler de ma compagne télétravailleuse comme moi), avec qui je communique par divers moyens modernes.

À ce titre, je remarque que je privilégie l’email, qui me permet de décider et de contrôler quand je communique, aux dépens des messageries instantanées ou du téléphone (je ne communique JAMAIS mon numéro de téléphone !), sources d’interruptions malvenues. Je remarque également que lorsque je travaille sur un projet à plusieurs, mes “collègues” traducteurs, à une exception près, font le même choix. Ils rechignent à utiliser des modes de communication en temps réel.

Le seul moment où je me sens parfois très seul, c’est en cas de trou d’air. Pas de boulot, la boîte d’email qui reste désespérément vide. Cela se produit inévitablement de temps à autre. Mais ce sentiment de solitude n’est alors qu’une source d’angoisse secondaire, comparée à celle de ne pas pouvoir faire face à ses obligations financières etc.

Par ailleurs, je trouve que la solitude de fait n’est pas forcément aussi douloureuse que la solitude que l’on peut ressentir en entreprise, lorsque les choses ne tournent pas rond et que le salut ne dépend pas que de vous.

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Il est bien plus facile de vivre dans l’anonymat (et d’en souffrir) dans une grande ville que dans un petit village.

Enfin, je me permets de faire remarquer à Bruno et à ceux que la solitude effraie, que le télétravail permet de reprendre le contrôle de son emploi du temps et de moins en perdre. Et ce temps gagné, je peux le consacrer à autre chose qu’au travail. J’ai le temps de bavarder avec la boulangère ou la caissière (je fais mes courses à heures creuses, ça aide), je peux déjeuner à l’occasion avec mes amis ou collègues sans regarder ma montre, je peux consacrer le temps que je ne passe plus dans les transports à mes enfants et à mes amis (vous avez bien des amis en dehors du boulot, non ?)

Et il n’y a pas que la quantité. La qualité de ces interactions est généralement bien meilleure. Je suis moins stressé et plus à l’écoute des autres (et de moi-même). Certes, je ne peux plus m’adonner aux joies de l’échange de ragots sur qui couche avec qui au boulot, ni aux sarcasmes sur les tâches de boeuf bourguignon sur la manche de Georges, mais franchement, ça ne me manque pas trop…

Je ne sais pas si j’ai vraiment répondu à la question de Bruno.

Pour une fois, je n’ai pas de truc.

La solitude, réelle ou ressentie, est un prix à payer ou une bénédiction, selon votre caractère, à mettre en regard des autres avantages ou inconvénients liés au télétravail ou au travail en entreprise.

Si vous avez un job en entreprise épanouissant à tous points de vue, ce serait idiot d’y renoncer. Mais est-ce la norme ? Notre organisation sociale a-t-elle atteint un tel niveau de perfection qu’il serait absurde d’explorer des alternatives possibles ?

Permettez-moi d’en douter.

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Délocalisations

embout.jpgQui est le plus opposé au télétravail : l’employeur ou l’employé ?

La réponse est évidente : l’employé.

Si votre employeur pouvait confier votre job à un télétravailleur en Inde, en Chine à Madagascar ou ailleurs, il y a des chances qu’il le ferait. La bonne nouvelle, c’est que s’il ne l’a pas fait, c’est sans doute qu’il a plus à y perdre qu’à y gagner, peut-être même parce que vous apportez de la valeur ajoutée à votre job.

Donc, ne dites pas à votre employeur que vous souhaitez être télétravailleur. Dites-lui que vous souhaitez être délocalisé. Chez vous.

Ou si votre employeur souhaite délocaliser votre job à l’étranger, proposez-lui plutôt de le délocaliser chez vous.

Sauf que vous ne voulez pas être délocalisé. Même chez vous.

(Je dis vous parce que je m’adresse aux réticents ; ne vous sentez pas forcément personnellement visé).

Alors pourquoi ?

Ce que j’entends le plus souvent, je dirais 9 fois sur 10, c’est que vous n’auriez jamais la discipline de travailler si vous étiez dans vos propres murs.

Voilà un argument qui me paraît suspect. Si vous avez un job à faire et que vous ne le faites pas, vous allez être viré. Donc, vous le faites. Bien obligé. Sans parler du contrat moral qui vous oblige à donner un minimum de vous-même en échange de votre salaire.

Cet argument sous-entend surtout que si vous étiez chez vous, vous seriez tenté de faire toutes les autres choses si épanouissantes qui font le sel de votre existence.

Or, si vous ne passez plus 1 à 2 heures par jour dans les transports, si vous ne dépensez plus du temps et des sous à porter vos costumes ou vos tailleurs à nettoyer, si vous n’êtes plus obligé d’aller acheter des pompes à bouts pointus parce que les bouts carrés de l’année dernière c’est has-been (ou l’inverse, j’en sais rien), si vous ne pompez plus une partie non négligeable de votre salaire dans le réservoir de votre voiture, vous disposez justement de plus de temps libre et de pouvoir d’achat pour vous adonner à toutes ces passions dévorantes.

Ce serait déjà bon à prendre, non ?

Mais c’est là que le bât blesse. Sentir ce temps libre et ce pouvoir d’achat supplémentaires à portée de main ?

L’angoisse. Le vertige.

La crainte (fondée ou non) de se retrouver à travailler chez soi et de s’apercevoir qu’à part regarder la chaîne de téléachat (ou fasheun tivi), vous n’avez rien de vraiment mieux à faire que de bosser.

Un jour, il y a longtemps, alors que j’étais exceptionnellement bloqué dans un embouteillage monstre à l’entrée ou à la sortie de Paris, le chauffeur de mon taxi s’est mis à philosopher. Il me fit remarquer que la plupart des voitures n’avaient qu’un seul occupant. Je bafouillai alors quelque platitude compatissante sur le sort peu envieux de ces habitués des bouchons. Le chauffeur rigola doucement et me plaça en face de l’évidence même. Tous ces automobilistes solitaires, coincés pendant des heures, étaient bien contents. C’était leur petit moment de paix quotidien, entre le stress du bureau d’un côté et les exigences de leurs conjoints et les cris stridents de leur progéniture de l’autre, passé à fantasmer ou à écouter les blagues graveleuses des Grosses Têtes en toute impunité.

Tout ça pour dire que je ne suis pas naïf et que suis bien conscient que le télétravail n’est pas qu’une simple réorganisation du travail. À grande échelle, contraint ou forcé, c’est une révolution qui nous met en face de toutes nos contradictions (pour éviter les gros mots d’antan, comme aliénation).

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Bienvenue

boeufs.jpgOn sort du Grenelle de l’environnement, qui incroyablement, a fait une impasse totale sur le télétravail.

On est en pleine grève des transports et le matin, dans mon lit, une tasse de café entre les mains, j’écoute distraitement la radio qui rend compte en direct des galères des banlieusards parisiens, comme s’il s’agissait d’événements se déroulant dans une contrée lointaine aux moeurs étranges.

Dans l’absolu, quel est le pourcentage de ces galériens qui ne pourraient pas accomplir leur travail de chez eux ? De nos jours, pour les cols blancs, je serais tenté de répondre : infime.

Ça vous paraît exagéré ?

Au fil des billets que je publierai ici, j’espère que vous serez amené à revoir vos idées sur la question, à supposer que vous y ayez déjà songé (mais si vous lisez ces lignes, c’est sans doute le cas).

À bientôt.

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