Notre président est un spécialiste des formules qui semblent tomber sous le sens.
Son fameux “travailler plus pour gagner plus” est un bon exemple.
Passons sur le fait que cela va à l’encontre de décennies de progrès social (week-ends, congés payés…)
Passons sur le fait que c’est plus facile à dire qu’à faire. En tant que cadre, vous travaillez souvent toujours plus pour gagner pareil. En tant qu’employé, encore faut-il pouvoir travailler plus.
C’est donc évidemment une formule habile que l’on pourrait traduire par “démerdez vous”. Après-tout, pourquoi pas. C’est le credo libéral, mais qui n’est en l’occurrence pas vraiment assumé.
Toujours est-il que cela fait un moment que ce slogan résonne dans mon cerveau de télétravailleur indépendant.
En tant que télétravailleur, la formule est indubitablement juste. Point de congés payés. Point de treizième mois, point de bonus ou primes.
Si je ne travaille pas, je ne gagne rien. Si je travaille plus, je gagne effectivement plus que si je travaillais moins ou pas du tout.
Sauf que si je suis devenu télétravailleur, ce n’est certainement pas pour gagner plus (j’étais bien payé dans mon dernier job en entreprise). C’est pour gagner assez et pour vivre mieux.
Toute la difficulté de l’exercice est là.
- En tant que télétravailleur, vous ne savez jamais d’où viendra votre prochain chèque.
- En cas de trou d’air, c’est la panique.
- Lorsque vous ne travaillez pas à plein régime, vous flippez, vous culpabilisez. Il faut être à plein régime, pour pouvoir survivre au prochain trou d’air.
- Lorsque vous travaillez à plein régime, c’est rageant de refuser des jobs (surtout s’ils sont plus intéressants/mieux payés que ceux qui vous occupent).
- Si vous travaillez en surrégime, vous trahissez la partie “vivre mieux” de l’équation. Fini les balades avec le chien, le goûter avec les enfants qui rentrent de l’école, les siestes crapuleuses avec votre conjoint(e) télétravailleur/euse, etc.
Bref, le dosage, c’est ce qu’il y a de plus difficile.
Mais puisque vous avez eu la gentillesse de lire jusqu’ici, je vais vous faire part d’un petit secret qui n’a l’air de rien comme ça, mais qui fait toute la différence.
Alors voilà. La clé de voûte de l’édifice, c’est de fidéliser une clientèle.
Et pour y parvenir, il n’y a que deux ingrédients essentiels : faire un travail de qualité et, et, et… être fiable.
La qualité, ce n’est pas en faire trop. C’est répondre aux attentes du client. Et c’est bien la moindre des choses.
La fiabilité, c’est tenir les délais.
Tout découle de ce second point. Tout, je vous dis.
- N’acceptez jamais un job lorsque vous avez le moindre doute sur votre capacité à tenir les délais.
- Si vous vous apercevez au cours d’un job que vous risquez de ne pas les tenir (en raison d’un paramètre imprévu), vous prévenez immédiatement votre client, vous lui expliquez et vous renégociez des délais (que vous pourrez tenir).
Vous n’êtes pas seul au monde. Il existe a priori d’autres professionnels qui peuvent faire aussi bien que vous, voire mieux.
Mais des fournisseurs qui tiennent leurs délais, vous en connaissez beaucoup, vous ? Et à choisir entre plusieurs fournisseurs à compétences égales, vous ne choisiriez pas celui qui tient ses délais à tous les coups ?
Cela résout quasiment tous les problèmes mentionnés plus haut.
- Par définition, vous n’acceptez que la quantité de travail que vous pouvez réaliser dans une période donnée (que vous travailliez 2, 4 ou 6 jours par semaine).
- Vous fidélisez rapidement et efficacement votre clientèle.
- Vous avez plus de chance de décrocher des jobs récurrents, ce qui diminue un peu l’incertitude.
- Vous passez moins de temps à chercher du boulot et plus de temps productif.
- Vous pouvez vous permettre sans crainte de refuser des jobs qu’on vous propose, car cela ne fait que renforcer votre crédibilité et votre réputation de fiabilité.
Vous allez me dire, vous êtes con de nous dire ça. Si on vous prend au mot et qu’on fait tous comme vous, vous allez perdre votre avantage concurrentiel.
C’est vrai. Je suis un idéaliste. Contrairement à 99% des sites sur le télétravail que j’ai pu trouver, je ne vends rien, je n’ai rien à y gagner. Je ne cherche qu’à (modestement) améliorer la réputation du télétravail.
Quand bien même, je ne suis pas inquiet.
Car je sais d’expérience que ce conseil, que j’ai souvent prodigué, n’est que très rarement pris au sérieux. On me dit que c’est un gadget, une évidence ou au contraire que c’est une position trop conservatrice et qu’on peut toujours s’en sortir, même lorsqu’on livre en retard (bref, qu’il faut travailler plus pour gagner plus, coûte que coûte). Sans parler des drogués à l’adrénaline qui ne fonctionnent qu’en situation de stress extrême et qui se retrouveraient en manque s’ils faisaient comme moi.
Et je sais d’expérience que la fiabilité telle que je l’ai définie, ça reste l’exception, la très grande exception. Ce ne sera jamais la norme. D’autant plus qu’il suffit de déroger à la règle une seule fois pour entacher votre réputation de fiabilité à jamais. Mais plus il y aura de fournisseurs fiables, plus les fournisseurs imprévisibles seront écartés au profit des premiers, car les clients ne seront plus résignés à vivre dans l’angoisse qui naît lorsque l’on dépend de fournisseurs imprévisibles.
Au moins, je serai alors du bon côté de la barrière.
